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Guez de Balzac
et le Paysage Charentais

Par Y.-A. Favre
Agrégé des Lettres
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A Monsieur le Proviseur
A mes collègues du Lycée
Guez de Balzac

Il serait bien invraisemblable que le XVIIIe siècle français eut ignore la nature. Trop de légendes courent encore dans les livres sur ce point et trop souvent encore l'on répète que le sentiment de la nature a pris naissance à la fin du XVIIIe siècle pour s'épanouir avec le romantisme. Pourtant, Lanson, avec sa justesse coutumière, avait reconnu que Guez de Balzac aimait la nature : " Il a aimé deux choses sincèrement : Dieu et la nature; on le sent facilement quand il parle (... ...) de sa campagne sous les embellissements maladroits dont il voile sa pensée."(1) Nous voudrions montrer qu'il fut moins maladroit que ne le pensait Lanson. Guez de Balzac aurait-il pu vivre si longtemps en Charente et rester insensible au charme délicat de cette province ? Ce maître, au jugement si probe et si pertinent que, de toute la France, on ne cessait de le consulter sur des points d'esthétique ou de morale, et dont l'autorité s'imposait à toute la république des lettres, résida, en effet, trente ans dans son château de Balzac. Il s'y retira en 1624 et, en dépit de quelques séjours à Paris, y resta jusqu'à sa mort, survenue en 1654. Après avoir étudié la manière dont il décrivait le paysage charentais, nous analyserons sa sensibilité, puis les sentiments qui firent vibrer son cœur au contact de la nature

Comment apparaît donc le paysage qui entoure le château de
Balzac? Situé à sept kilomètres au nord-ouest d'Angoulême, le château s'élève, en direction du couchant, à 200 mètres de la Charente, qui l'enserre dans une boucle assez étroite. Immédiatement au sud, un bois de neuf hectares, qui devait, au XVIIIe siècle, ne faire qu'un avec le bois de Balzac que l'on trouve plus à l'est. De l'autre coté de la Charente, que sept petites îles parsèment à l'extrémité de la boucle, les collines se dressent avec vigueur, et Balzac n'exagère pas lorsqu'il parle de "falaises", puisque la dénivellation est de 70 mètres pour 200 mètres de terrain.
Le décor du château de
Balzac comprend donc essentiellement deux éléments: les bois et la Charente. Ces deux éléments naturels, qui s'opposent et se complètent, vont correspondre aux deux tendances qui l'animent et signifier par là son univers intérieur. Balzac aime peindre les arbres et leur feuillages à l'ombre fraîche, les troncs moussus ou cernés par le lierre : " Il me fasche fort de quitter la compagnie de mes arbres, et de m'esloigner de cette agréable solitude." (Lettre a M. le Prieur de Chives, 28 octobre 1624.)(2) "Je suis tousjours enterré avec mes arbres, et pour me faire changer de place, il faudrait des cordes fortes." (Lettre à M. D'Espenan, 4 janvier 1635.)(3)

"Les arbres y sont verds jusqu'à la racine, tant de leurs propres feuilles, que de celles du lierre qui les embrasse, et pour le fruict qui leur manque, leurs branches sont chargées de Tourtes, et de Faisans en toutes les saisons de l'année." (Lettre à M. de la Motte-Aigron, 4 septembre 1622.)(4)

Sans doute y voit-il un symbole de la stabilité et de l'éternité, un signe de permanence qui s'accorde secrètement et s'harmonise avec une tendance profonde de son tempérament : le désir de l'Etre, le besoin d'une assiette solide pour vivre. En revanche, la contemplation d'une rivière satisfait chez lui le besoin de changement et du mouvement. Ce ne sont jamais les eaux mortes, étangs et mares, qui l'attirent, mais toujours l'eau vive de la Charente. A M. de Bois-Robert, le 11 février 1624, il écrit qu'il ne consent pas à " perdre de veue cette belle rivière, au bord de laquelle j'ay passé de si heureux momens"(5) . A M. de la Motte-Aigron: "De quelque part que je tourne les yeux en ceste agréable solitude, je trouve une rivière qui devroit avoir autant de réputation que le Tage, et dans laquelle les animaux qui vont boire, voyent le Ciel aussi clairement que nous faisons (...). Au reste, ceste belle eau ayme tellement ce petit pais, qu'elle se divise en mille branches, et fait une infinité d'isles et de détours, afin de s'y amuser d'avantage."(6) A Vaugelas enfin, le 21 septembre 1625, il confie : "Je vous écris cecy au bord de la plus belle rivière du monde, et au pays des délices et des charmes."(7) Certes la correspondance est le lieu privilégié où Balzac nous livre son goût pour la nature; mais d'autres livres, ou l'on s'attendrait à bon droit à trouver des pages plus austères, contiennent de charmants croquis de paysages. Ainsi, Le Prince, paru en 1631, œuvre de politique générale ou il fait indirectement l'éloge de Louis XIII, renferme ce délicieux tableau :"J'avais le plaisir de regarder au fond de l'eau les choses qui se passoient dedans l'air, et de voir nager tout ce qui volait. C'estoit l'amusement qui m'entretenait, en attendant le coucher du soleil."(8)
S'il aime tant décrire l'eau courante sans cesse nouvelle et ses mille jeux, c'est qu'il y retrouve l'image du devenir et de la fluidité, qui forment pour une large part, son paysage intérieur. Il écrit ainsi ses plus belles pages, lorsqu'il unit ces deux thèmes : les arbres et l'eau, l'être et le devenir. Ainsi, dans la lettre à M. de la
Motte-Aigron :"C'est un pais à souhaiter à peindre, que j'ay choisi pour vacquer à mes plus chères occupations, et passer les plus douces heures de ma vie. L'eau et les arbres ne le laissent jamais manquer de frais et de vert : les cygnes qui couvraient autrefois toute la rivière se sont retirés en ce lieu de seureté"(9) , ou bien, dans ce prologue :"Au lieu ou je m'arrestois principalement, elle coule au-dessous de plusieurs collines, qui sont vertes de haut en bas d'une forest qu'elles portent : et la pante en estant fort droite, vous diriez que les arbres n'y sont pas plantéz, mais qu'on les y a attachez, ou qu'ils y grimpent, tant ils y ont apparemment peu de prise. En certains endroits elle est assez large : ailleurs son canal se resserre tellement que les peupliers qui la bordent de part et d'autre semblent se baiser, et joignent leurs branches avec une si belle justesse, que le berceau ne seroit pas mieux fait, si l'art et la contrainte les avoient pliés."(10) Tout le paysage que l'on peut admirer encore nos jours se trouve dépeint.
On a pu remarquer le réalisme de ces descriptions. Jamais
Guez de Balzac ne poétise le décor et ne pomponne la nature comme tant de ses contemporains le faisait. Que l'on songe aux romans de La Calprenede, publiés entre 1642 et 1647, au Polexandre de Gomberville (1632) ou aux autres correspondances de l'époque, et l'on mesurera la profonde originalité de l'ermite charentais. Nous en voulons pour preuve cette peinture d'un chemin boueux qui mène de Balzac à Loumeau ; et non sans humour l'auteur sollicite le maire d'Angoulême de le faire empierrer au plus vite :"A l'entrée du Faux-bourg Loumeau, il y a un chemin, dont on ne peut se plaindre en termes vulgaires : il est plus difficile et plus dangereux qu'un labyrinthe; il apprendroit à jurer un homme qui ne sçait dire que Certes; il changeroit en bile toute la douceur d'un Père de l'Oratoire (...). Je faillis avant hier à m'y perdre, et à faire naufrage dans la boue." (Lettre à M. le maire d'Angoulême, 4 juillet 1638.)(11) Et nous citerons encore ce tableau de la Charente, et de la brume du matin, qui court au ras de l'eau, estompant les formes les plus basses, tandis que les parties hautes du paysage se découpent lucidement : "Il s'élevait bien quelquefois une petite vapeur de la rivière voisine, qui l'enveloppait comme dans un rets, et s'épandait sur la superficie de la terre. Mais outre qu'elle n'attendoit pas toujours le soleil pour se défaire, et qu'elle n'en pouvait soutenir les premiers rayons, elle n'avait jamais tant de force qu'elle montât à la hauteur de nos plus basses fenêtres, et nous jouissions d'un calme très net, et d'une clarté extrêmement vive, pendant qu'il y avait un peu de trouble et de fumée au dessous de nous."(12)

Maintenant que nous avons considéré l'art avec lequel
Balzac peignait les paysages, nous pouvons entreprendre l'étude de sa sensibilité si délicate et affinée. Les charmes les plus subtils du paysage l'émeuvent et l'atteignent au plus profond de lui-même. Et certain pourront s'étonner de voir cet écrivain du XVIIe siècle être sensible non seulement au spectacle de la campagne mais surtout aux parfums, aux sons et aux sensations du toucher. Notre province ne saurait lui offrir la diversité et l'étrangeté des sensations, comme les pays exotiques, mais les plus délicates, les plus exquises, et pourtant les plus simples, provoquent son émoi. Les seules musiques qu'il aime, ce sont les chants des oiseaux :"Moy qui ne part du village, je ne connois que le chant des oiseaux." (Lettre à M. Girard, official, 4 octobre 1634.)(13) La campagne l'intéresse surtout pour le parfum de ses fleurs, dont le caractère naturel passe infiniment l'artifice des parfums parisiens :"Pour moy qui fais mes moissons quand on cueille les roses et les œillets, et qui ne juge de la bonté de l'année que par l'abondance de ces belles fleurs, voicy la saison que je demande. J'ay (...) de quoy mespriser les parfums de la rue Saint-Honoré..." (A Mme Desloges, 20 juin 1630.)(14) Mais, surtout, quelle étonnante notation lorsqu'il remarque l'influence des effluves de la violette sur tout son être et la jouvence qu'elle procure :"Pour moy je ne pense plus mourir quand j'ai une fois attrapé le mois Mars, et il me semble que je me renouvelle à la seule odeur des violettes." (A M. de la Nauve, 22 février 1634.)(15) Il goûte aussi la douceur de l'air ou se tempèrent mutuellement les rigueurs du soleil et la fraîcheur des nuits : à M. Girard, il souhaite "la mesme douceur que je respire icy le soir au bord de nostre canal. Je dis le soir, car après cela il n'y a plus de douceur pour moy" (30 juillet 1642)(16)
Mais le plus beau paysage ou nous puissions apprécier la sensibilité de
Guez de Balzac, sans conteste, est celui où il réussit la difficile peinture d'un sous-bois et des jeux de la lumière et de l'ombre. voici ce clair-obscur admirable: "A la porte il y a un bois, ou en plein midy il n'entre de jour que ce qu'il faut pour n'estre pas nuict, et pour empescher que toutes les couleurs ne soient noires. Tellement que de l'obscurité et de la lumière il se fait un troisième temps, qui peut estre supporté des yeux des malades et cacher les défauts des femmes qui sont fardées."(17)
Les critiques littéraires n'ont pas souvent la main heureuse et le XVIIe siècle fut aussi fertile que le notre en Aristarques totalement dénués de la moindre sensibilité poétique : ainsi,
Dominique Goulu, ministre général des feuillants, qui, dans les Lettres de Phyllarque à Ariste, attaque énergiquement Balzac et lui reproche de pêcher contre la théologie, la morale et le bon goût. A propos de cette description, Goulu montre son absence de goût, et ses ratiocination critiques et pédantes s'élèvent contre ce qui justement constitue le charme poétique de ce clair-obscur. Je vous relis le texte de Balzac, suivi des critiques formulées au nom d'une élégance qui se veut raisonnable: "A la porte il y a un bois, ou en plein midy il n'entre de jour que ce qu'il faut pour n'estre pas nuict, pour empescher que toutes les couleurs ne soient noires. Tellement que de l'obscurité et de la lumière il se fait un troisième temps, qui peut estre supporté des yeux des malades et cacher les défauts des femmes qui sont fardées."
"
Premièrement cette manière de parler, Il n'y entre du jour que ce qu'il en faut pour n'estre pas nuit, exprime une obscurité beaucoup plus grande que celle qu'il veut représenter : car on ne sçauroit se feindre si peu de jour, qu'il n'y en ait assez pour empescher qu'il ne soit nuit : et néantmoins ce n'est pas ce qu'il veut dire, puisqu'il nous décrit un jour qui soit assez clair pour empescher que toutes les couleurs ne soient noires. S'il y a donc un jour assez pour discerner la variété des couleurs, il faut de nécessite qu'il y en ait bien plus qu'il n'en est besoin pour faire qu'il ne soit pas nuit."(18)

Que cherche donc
Balzac dans sa retraite ? Car la nature n'est pas seulement pour lui un cadre aimable, mais elle représente un véritable asile qui lui offre la solitude et lui procure le bonheur. Les nouvelles du monde ne l'intéressent pas et, comme il l'avoue à M. de Soubran, la vie politique le laisse indifférent, alors que l'afflige d'apprendre "qu'il y aura mauvais temps tout le reste de la lune" ou "que l'orage a renverse un arbre" de son bois.(19) Lorsqu'en 1631 il regagne son château après avoir séjourné à Paris, il montre sa joie de retrouver a nouveau la liberté de la solitude :"...la liberté. J'en jouis a souhait depuis trois ou quatre jours, et l'ay retrouvée au bord de la rivière, ou je la laissay l'année passée." (A Monsieur ..., 10septembre 1631.)(20)
Qu'un tel isolement favorise la méditation et la lecture, nul ne saurait le nier; qu'il soit propice au travail intellectuel et qu'il ait permis à Balzac de rédiger à loisir tant de pages si finement écrites, est incontestable. Mais Balzac recherche davantage dans le contact avec la nature. Il ne désire pas seulement y trouver un sanctuaire où pouvoir se recueillir et se concentrer ; il veut s'y perdre, s'y égarer, s'y abandonner au point de parvenir peut-être à une union intime entre le cœur et la nature.
Cette solitude l'incite donc à la rêverie ; il aime errer dans son domaine et vivre en communion avec les éléments. Ne croirait-on pas entendre quelques
Rêveries de Rousseau ou quelques pages de Chateaubriand? "Sans faire le Poète, je vous puis asseurer que j'ai appris vostre nom à tous les rochers de mon désert, et qu'il est escrit sur toutes les écorces de nos arbres." (Lettre à M. de Vaugelas, 1625.)(21) "Ce sauvage que vous aviez apprivoisé, est revenu à son premier naturel. Je ne me promène plus dans les bois, je m'y esgare." (Lettre à M. de Boisrobert, 16 avril 1633.)(22)
Cette rêverie si moderne par l'accent, apaise l'âme et la rend heureuse. Tout le bonheur de sa vie, Balzac le trouve dans les heures qu'il passe dans son domaine. Même la tristesse le rend heureux, au bord de la
Charente: "Je suis tousjours heureux, soit que je sois joyeux, soit que je sois triste. Pour peu que je m'y arrête, il me semble que je retourne en ma première innocence. Mes désirs, mes craintes et mes espérances cessent tout d'un coup : tous les mouvements de mon âme se relâchent, et je n'ai point de passions."(23)
Ainsi, les œuvres de Guez de Balzac nous permettent de rectifier l'image traditionnelle que l'on se forme encore du XVIIe siècle. Celui qui s'est appela lui-même "philosophe de village"(24) a su décrire le paysage charentais, ses arbres et sa rivière, avec un bonheur constant. Car je m'assure que sa sensibilité s'y accordait par de secrètes affinités. Jamais il n'a poétisé le décor, mais il a dégagé les éléments poétiques du décor. Par la, Guez de Balzac révèle à la fois une âme étonnamment proche de nous et le bonheur que l'on peut avoir à vivre en Charente.(i)


(1) G. Lanson : Choix de Lettres du XVIIe siecle. Hachette. 1895, p. 94.
(2) Les Œuvres de M. de Balzac. Paris. Thomas Jolly. 1665, tome I, page 142.
(3 ) Ibid., p.383.
(4) Ibid., p. 24.
(5) Ibid., p. 85.
(6) Ibid., p. 25.
(7) Ibid., p. 130.
(8) Les Œuvres. Tome 2, p. 3.
(9) Les Œuvres. Tome 1, p. 25.
(10) Prologue du Prince. Les Œuvres. Tome 2, p. 3.
(11) Les Œuvres. Tome 1, p. 490.
(12) Le Prince. Les Œuvres. Tome 2, p. 2.
(13) Les Œuvres. Tome 1, p. 381.
(14) Ibid., p. 296.
(15) Ibid., p. 239.
(16) Ibid., p.558.
(17) Ibid., p. 24.
(18) Seconde partie des Lettres de Phyllarque a Ariste. 3 e edition. Paris. N. Buon. 1629, pp. 102-103.
(19) Les Œuvres. Tome 1, p. 165.
(20) Ibid., p. 237.
(21) Ibid., p. 131.
(22) Ibid., p. 25.
(23) Ibid., p. 25.
(24) A M. de la Nauve, 15 janvier 1622. Ibid., p. 167.

(i) Addendum. - On pourra lire en outre :
Lettre à M. de Saint-Surin, p. 159.
Lettre à Mme Desloges, p. 288.
Lettre à Mlle de Campagnole, p. 442.
Lettre à M. de Villemontée, p. 491.

Extrait des Bulletins et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de la Charente
Année 1968

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